Le jour du cochon
Autrefois, sans doute encore dans quelques fermes de nos campagnes profondes, la journée du cochon était l’occasion de réunir famille et ami-e-s afin de préparer les victuailles pour les beaux jours. La cochonnaille faisait partie des repas quotidiens. Jambon, grillon, boudins ou saucisses accompagnaient souvent le casse-croûte de l’agriculteur qui se prenait au bout du champ sous l’ombrage bienfaisant d’un cerisier ou d’un noyer. Tout est bon dans le cochon disaient-ils. Ce sont ces souvenirs d’enfance qui m’ont conduit à mettre en images ce cérémonial encore pratiqué par une bande de vieux copains. Je me souviens de ces hurlements horribles qui me faisaient boucher les oreilles jusqu’à ce qu’une lame bien effilée vienne les éteindre. Peur encore quand je voyais la carcasse suspendue comme un fantôme dans la pénombre de la grange. Le lendemain de cette mise à mort se transformait en fête. Tout le monde était affairé, telles des abeilles dans la ruche. La longue table de chêne se graissait avec des zébrures de sang alors que la journée s’avançait. Le parfum poivré de la cuisine flattait les narines et la chaleur de l’âtre faisait oublier la froidure du dehors. Le jour du cochon se passait toujours au cœur de l’hiver afin que la viande ne se gâtât point. La bête était engraissée afin que son poids optimum soit atteint en février. La plupart des fermiers des alentours suivaient ce rite quasiment immuable. Aujourd’hui, tout ceci s’est perdu au fil du temps mais quelques irréductibles perpétuent cette tradition pour leur consommation personnelle. C’est la raison pour laquelle vous avez devant vous, cette bande de copains qui, en toute convivialité, vont se transformer en charcutiers hors pair le temps d’une journée : la Journée du Cochon.